
Anonyme « j’ai 18 ans et aujourd’hui je brise mon silence »
Aujourd’hui j’ai décidé de témoigner. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, après plusieurs années de souffrance, j’entre enfin dans la guérison. Je m’appelle Annaële, j’ai 18 ans et aujourd’hui je brise mon silence.
La première fois que j’ai vu un pénis, j’avais 11 ans, j’étais innocente, je ne savais même pas ce que voulais dire le mot sexe. Je jouais à cache-cache avec mes cousins dans un parc public. Je m’étais cachée dans un arbre entouré de buisson sachant qu’ils ne me retrouveraient pas à cet endroit. Soudain, j’entendis un bruit, puis en regardant en direction des buissons j’ai vu un homme jouant avec une saucisse.
Il m’a regardé, il s’est approché de moi en souriant, étant très timide je suis partie en courant, pensant qu’il venait me parler. Ce n’est que plusieurs années plus tard que j’ai compris que ce n’était pas un homme sympa qui jouait avec une saucisse, mais un pédophile qui se branlait, et je ne préfère ne même pas imaginer la raison pour laquelle il s’est approché de moi.
Deux ans plus tard, j’ai subi ma seconde violence sexuelle, mon viol. J’avais 13 ans, j’étais en 4ème et encore dans l’innocence. J’étais partie en voyage en Allemagne avec ma classe et les groupes d’allemands de deux autres collèges. Le voyage s’est très bien passé, je me suis énormément amusée, les paysages étaient beaux et j’ai fais plein de belles rencontres.
Le dernier jour, j’ai commencé à parler avec un garçon qui semblait adorable, drôle, l’incarnation de la gentillesse. Il m’a proposé de faire le voyage de retour, qui durait 13h, à coté de lui et le trouvant fort sympathique j’ai accepté. Comme on voyageait de nuit, je me suis endormie assez rapidement, mais après un beau rêve j’ai commencé à me réveiller.
Pourquoi ? Parce que ce garçon adorable était en train de me caresser le sein de sa main gauche tandis que de sa main droite il me caressait le bas du ventre. J’ai essayé de bouger pour l’en empêcher, je savais ce qu’il allait le faire mais pour une raison que j’ignorais, j’étais complètement paralysée.
Le seul mouvement que je pouvais faire c’était fermer les paupières sur mes yeux pleins de larmes, en attendant dans la peur que ça passe. Avant je vous aurais passé les détails, mais aujourd’hui je n’ai plus peur de choquer, alors j’ouvre ma gueule et je ne vais omettre absolument aucun détail. Je l’ai senti petit à petit descendre sa main vers mon vagin et y entrer ses doigts. Dit comme ça, on dirait une scène de fanfiction érotique, mais je n’étais en aucun cas émoustillée et heureuse de subir ça. Alors que j’avais mal, que j’étais effrayée, je l’ai entendu chuchoter à ses amis qui se trouvaient derrière : « Hé ! Regardez ce que je fais! ». Alors que j’entendais ses amis rire, j’étais morte de peur, je me sentais souillée, comme un objet, un morceau de viande, j’ai eu l’impression de mourir, qu’il me volait une partie de moi. Je n’ai pas eu le courage de changer de place ou d’en parler pendant le reste du voyage, j’ai dû rester 13h à côté de lui à prétendre que tout allait bien alors qu’il me caressait la cuisse.
Le lendemain, mon cerveau avait déjà jeté ce souvenir aux oubliettes. Et c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai réussi à retourner en Allemagne l’année d’après.
Ensuite il s’est passé plusieurs choses que je trouvais insignifiantes à l’époque mais qui me font toujours faire des cauchemars, comme lorsque mes camarades de classes me disaient bonjour en me touchant les fesses, en me traitant de coincée lorsque je leur demandais d’arrêter et de pute lorsque je les laissais faire.
Lorsque mes amis me bloquaient dans un parc, l’un m’immobilisant pendant que l’autre cherchait des secrets dans mon soutien gorge ou encore lorsque des amis s’amusaient à jouer à cap ou pas cap de m’embrasser dans mon sommeil… et j’en passe !
Puis à mon arrivée en seconde, je suis tombée complètement amoureuse d’un garçon, on est sorti ensemble pas mal de temps et j’étais vraiment heureuse. Certaines personnes me disaient de m’en méfier, mais ils n’étaient pas assez et l’amour m’avait complètement aveuglée. J’aurais dû me douter qu’il était toxique lorsqu’il a commencé à faire des remarques sur mon physique « pour rire », lorsqu’il me touchait sans mon consentement (à l’époque je pensais que c’était normal alors je ne lui disais rien), lorsqu’il m’a jeté par terre parce qu’il était en colère contre mon meilleur ami ou quand il a étranglé un ami parce qu’il m’avait informé qu’il m’avait trompé, mais qu’est-ce que vous voulez, j’étais amoureuse… Puis une fille merveilleuse est entrée dans ma vie et sans le savoir, elle m’a donné la force et le courage de quitter mon copain dont j’avais si peur.
J’étais à nouveau tombée amoureuse, mais de la bonne personne cette fois. Je ne sais pas pourquoi mais je suis restée en de bons termes avec mon ex, je n’aurais pas dû. En effet, au bout de quelques mois, alors que je venais d’entrer en première, monsieur commençait à me caresser les jambes, les bras, le dos, puis plus tard les fesses, les seins. Il commença à me forcer à lui faire des câlins, des fois à l’embrasser. À chaque fois j’avais peur de dire non, j’étais paralysée, de temps en temps ma meilleure amie intervenait (et je lui en remercie énormément de m’avoir défendu quand je ne l’ai pas pu, même si on s’est un peu perdu de vue). Puis il est allé trop loin. Il m’a caressé la chatte pour je cite « chercher son téléphone ». J’ai pleuré, d’abord parce que ce qu’il m’avait fait me dégoûtait profondément, mais surtout parce que tous les souvenirs enterrés de ce qu’il m’était arrivé dans le car quelques années plutôt venaient de refaire surface. Et à partir de ce jour mon état s’est dégradé pendant presque deux ans.
J’ai commencé à faire des cauchemars toutes les nuits au point où j’essayais de dormir le moins possible, 4h par nuit grand maximum. Je ne pouvais plus prendre le bus pour aller au lycée, j’avais peur que tout recommence. Puis j’ai commencé à faire des malaises, à avoir des vertiges, je pouvais à peine tenir debout alors j’ai commencé à sécher les cours, c’est comme ça que j’ai redoublé ma première. J’en ai parlé au lycée qui a posé une main courante contre lui avant les grandes vacances.
Tout l’été j’étais stressée à l’idée de devoir revivre cette année en témoignant à la police, mais n’ayant jamais appelé j’ai cru qu’il m’avait oublié, jusqu’à la veille de la rentrée en tout cas, où ils ont appelé et où j’ai dû témoigner. Pas super pour commencer sa deuxième année de première. Les cauchemars sont revenus de plus belle, de plus en plus violents, j’ai commencé à me mutiler, à me goinfrer pour remplir le vide qui était en moi. J’étais terrifiée en permanence, le moindre contact physique avec quelqu’un faisait ressurgir tout ce que j’avais vécu et ressenti la nuit du bus et l’année précédente. J’ai quitté ma copine dont j’étais follement amoureuse parce que j’avais peur, de quoi ? De tout.
Au bout de trois mois seulement après la rentrée, je n’allais plus en cours, les malaises étaient revenus, accompagnés de violentes nausées. Je passais des semaines entières à manger sans arrêt pour me remplir, celle d’après à m’affamer pour me punir. J’ai commencé à fumer, à boire au lycée, à m’isoler. J’ai commencé à faire des crises de somnambulisme durant lesquelles je me mutilais violemment, au réveil j’étais perdue, les mains et le corps pleins de sang, au point où le moindre frottement de vêtement me faisait pleurer de douleur. Pour oublier mes douleurs j’ai tout essayé, la drogue, l’alcool a nouveau, manger, consommer des médicaments en grande quantité.
Ce qui me rendait plus malade qu’autre chose. Au mois de janvier de cette année, j’étais déjà confinée avant les autres. Incapable de voir des gens, sous antidépresseurs et je savais déjà que j’allais devoir recommencer une troisième première. La main courante contre mon ex a été classé sans suite pour manque de preuve. J’ai trouvé le courage de porter plainte contre le garçon du bus mais je n’ai toujours pas de nouvelles.
J’ai appris plus tard, alors que j’avais eu le courage de pousser mon premier coup de gueule sur la culture du viol au lycée sur instagram, que je n’avais pas été la seule victime de mon ex, nous étions une petite dizaine (dont j’ai eu la connaissance), filles comme garçons, dont un viol.
Aujourd’hui, avec beaucoup d’aide, je vais bien mieux, j’irais même jusqu’à dire que je suis heureuse. Il est vrai que je suis toujours dans l’incapacité de coucher avec quelqu’un de peur de revoir des souvenirs revenir, mais c’est la seule séquelle que je garde de ce traumatisme. Mon mal-être et ma peur se sont transformés en une colère dont je compte bien me servir pour changer les choses, pour aider les gens. Je vais me battre pour moi, pour mes sœurs, pour mes amies, pour ma famille et pour tous les autres survivants de violence sexuelle.
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
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